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Int.|Graf fr : Padre

Dernière mise à jour : 15 oct. 2022

Extrait à la plus réfractaire des souches avant-gardiste de la culture Hip Hop, Padre fait aujourd’hui incontestablement partie de cette nouvelle et plurivalente scène artistique née du grésillement de la rue. Artiste inclassable à l’appétit féroce pour les vertiges de type roller coaster... zoneur, bombeur, globe-trotteur de toiture ou surfer de rails au départ des grandes lignes, nous avons eu la chance, à l’occasion de la biennale Rose Béton qui se tenait à Toulouse, il y a peu de temps de cela, de croiser un instant son chemin.


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UPCOMING >> Rendez-vous mars 2020 à la galerie Roth 11 rue chapon paris 3e.

Qu'est-ce qu'un Toulousain peut bien faire à Bruxelles ?

J’ai rejoint ma fiancée, Louise! Et puis Bruxelles est une ville incroyablement ouverte, j’ai trouvé l’énergie nécessaire à mon épanouissement artistique. Mon galeriste Anthony Roth est établi à Paris, c’est donc aussi plus facile. La ligne artistique Paris Bruxelles Anvers et Rotterdam est très stimulante et incroyablement riche

Comment t’es-tu retrouvé embarqué dans le graffiti ?

J’ai toujours aimé faire des conneries. Et j’ai toujours aimé dessiner. Je trouve que c’est un excellent mix des deux ! Plus sérieusement petit ça m’a toujours intrigué alors dès que j’ai eu l’âge de foutre un pied dehors, j’ai commencé par en mettre partout sur la route du collège et du lycée. Pour les voir en passant. Pour que les gens les voient en passant.

Avant le graffiti, où concomitamment au graff, es-tu passé par des études dites « classiques », comme l’École nationale supérieure des beaux-arts par exemple ?

Je connaissais des gens au Beaux-Arts, j’ai donc voulu y rentrer. Ils m’ont refusé trois fois d’affilée ! En me mettant des notes horribles !! (J’ai donc tout fait par moi-même ou avec d’autres artistes, sans argent et sans institution derrière.) Et aujourd’hui, je suis le seul de ces gens des beaux arts à en vivre, et je trouve que c’est une bonne revanche !

Tu as vécu à Toulouse, tu y es né, c’est vraiment ton fief, et je sais que d’un claquement de doigts tu y retournes à la moindre occasion . Quels ont été là-bas, tes premiers émois artistiques ? J’ai commencé tagueur, je voulais pas qu’on m’appelle graffeur, J’ai décidé de prendre cette discipline par le côté le plus dur, dans la plus pure tradition. Donc autant te dire que les expositions c’était hors de question ! C’était la rue et les dépôts de train point barre ! En 2016, après avoir déchiré la ville pendant tant d’années, et puisque l’opportunité était illégale on s’est dit qu’on avait la légitimité de faire une exposition avec notre crew, SK. Je m’explique : on a squatté un ancien garage Maserati qui avait encore l’eau et l’électricité, et on a fait une énorme expo à l’intérieur. On s’attendait à avoir 50 ou 100 personnes, surtout que le lieu était tenu secret jusqu’au dernier moment parce que les flics pouvait nous virer et tout confisquer à n’importe quel moment. Résultats, il y a eu 1000 personnes peut-être. J’ai direct acquéri la confiance pour continuer à montrer mon travail. Puis c’est devenu mon travail !

La rue c’est ton terrain de jeux, tu aimes y errer, tu fais également parti de cette génération aimant grimper sur les toits pour y apposer son blase.. D’où te vient ce penchant à braver l’interdit jusqu’à te confronter au danger le plus immédiat ?

J’ai toujours aimé l’interdit et le risque. Je me sens vivant seulement à 200km/h, sans permis dans une voiture volée pour te donner une image « parlante ». La vie, il faut la risquer. Il faut pas qu’elle soit fade, parce qu’elle est courte A 18 ans, tu peux déjà avoir fait ce que certains n’ont jamais fait en 60. Alors autant le faire ! (Remplir sa vie !)

342 c'est le nom de l’exposition collective à laquelle tu participes. J ai eu beau chercher, j ai pas trouver la signification de ce chiffre, peux-tu m’éclairer ?

C’est le numéro de la maison dans la rue que le collectionneur m’a prêté pour organiser l’expo. Je me suis pris la tête pendant 1 an pour expliquer mon travail pertinemment et pour cette exposition, j’ai vraiment mis de côté ma peinture, pour l’expliquer. C’est un travail cérébral auquel les réflexes bestiaux de la rue apportent peu ! Ça m’a donc demandé énormément. Voilà pourquoi j’ai sûrement trouvé réconfort dans la simplicité de ce nom !

Dans la rue, tu carbures à l'instantanéité du geste vandal (je ne sais pas si on peut le dire ici)... pourtant à l’exposition collective 342 on te retrouve dans un tout autre univers, beaucoup plus conceptuel cette fois, proche du non figuratif à la Alfred Manessier . Le décalage est énorme, je ne m'y attendais pas... Peux-tu m'expliquer le degré 180 de revirement ?

Oui et justement c’est le seul lien entre graffiti et art pour moi, on y met la même énergie, une énergie que tu ne peux pas retrouver dans un atelier bien calme.. Pour répondre à ta question très simplement, Basquiat a répondu un jour à la question « peut-on dire que vous faites du graffiti art? », « oh non, le graffiti réponds à des règles bien trop dures pour l’art ! » Je sépare donc tags et toiles, le lien se fait, car l’un influence l’autre, c’est tout. Ça nourrit ma spontanéité dans l’art, et l’innovation dans la rue. Par exemple, dans la rue si tu me toy je peux te dépouiller - avec ton consentement d’ailleurs ! - dans l’art si tu me descends, je peux en discuter avec toi !

Le vide, c'est un terme qui revient souvent à travers ce tu exprimes dans ta peinture. Quel impact à t-il sur toi quand tu culmines au sommet de quelque édifice urbain à hauteur vertigineuse? Quand je parle du vide, c’est en lien avec les personnes qui ne sont plus. Mais tu viens de mettre le doigt sur un parallèle très intéressant, puisque je me rapproche au plus possible du vide quand je grimpe aux immeubles. Dans l’art je peins couleurs et formes pour qu’elles me fassent ressentir des choses disparues, qu’elles comblent des vides. Alors dans la rue me rapprocherais-je du vide pour le combler ? Pour mieux ressentir le mal du mien ? Ça porte à s’interroger sur la nature psychotique humaine...

Les tonalités pour cette exposition sont clairs et reposantes. Dans ton trait, il y a ce côté brut et tranché que l’on peut retrouver dans un tag exécuté à la va vite. Il y a aussi et encore ce rappel incessant au vide.. l’aspect sauvage et non formaté de ta peinture est-ce un parti pris relié à ta passion originelle ? Et le vide dans tout ça ?

Bien entendu le tag a influencé ma façon de peindre même si j’ai commencé gamin par le pinceau. Mais pas seulement le tag, tout ce qui l’entoure: les gardes à vue, les nuits dans les buissons, le stress, l’urgence, les bagarres, les jugements, les amendes, tout ça crée une énergie que tu ne peux trouver nulle part ailleurs. Il serait donc vraiment dommage de ne pas le montrer, de plus ça fait partie intégrante de moi et je me dois de montrer un travail honnête. Le vide dans tout ça.. L’influence du vide sur le plein ou comment l’esprit comble intuitivement le manque qu’il perçoit comme sien.. Pendant une année entière de réflexion sur le but et le pourquoi de ma peinture, le plus sincèrement possible, j’ai compris que non seulement mon travail, mais aussi mes graffitis et ma vie entière étaient régis par ce rapport au vide. Il m’est donc apparu comme une évidence d’en parler.

Quels sont les graffeurs qui t’ont le plus influencé ?

Tilt, en premier et de loin, car son style me paraissait comme le plus agréable à regarder (le mien découle fortement de ça d’ailleurs !) de plus la précision de réalisation te fait croire que c’est un ordinateur qui l’a fait ! Et même si je préfère faire plus sale, dans l’esprit du trait des bombes des années 70, je suis obligé de reconnaître que c’est une machine qui a fait ça ! Ensuite il y a 2Pon, Soone, Brone, Bando, Boxer, Colt et Mode 2 bien sûr, l’Ecole parisienne quoi !

Concernant l’art contemporain, tu as un, plusieurs mentors ? Encore une fois Tilt ! Qui m’aide depuis mes débuts, et surtout qui me fait confiance. Et puis il y a Jean-pierre Tachier-Fortin qui m’a appris la peinture à l’huile, et qui m’a montré ce qu’est l’Art.

Aujourd’hui, avec quel(s) artiste(s) souhaiterais-tu collaborer ? Je n’ai pas d’idée en particulier, j’aime découvrir des gens et quand le courant passe j’aime aller au bout des choses avec eux.

Qu’as-tu prévu après cette exposition ? Il me semble qu’incessamment sous peu tu devrais passer à Paris...Peux-tu nous donner les prémices d'une petite exclu pour ALRH ?

En effet la prochaine exposition est à Paris à la galerie Anthony Roth, sur la période Mars/avril. Je la fais avec Louise avec qui je réalise la quasi-totalité de mes travaux depuis plus d’un an. C’est une artiste hétéroclite qui peint, écrit et fait de la vidéo avec beaucoup de justesse et une délicate pointe d’humour. On a la galerie pour nous, on va donc l’investir avec tout un processus artistique, il y aura installation, peintures, et éditions limitées... Rendez-vous en mars à la galerie Roth 11 rue chapon paris 3e !


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