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Chron.|Report photo : F. Bonura

Dernière mise à jour : 15 oct. 2022

"Georgia on my mind"
James Brown meurt en 2006, le jour de Noël, comme cadeau on a fait mieux. Une foule de fidèles se presse à l’Apollo sur la 125ème pour se recueillir devant sa dépouille. Dans son cercueil bling bling capitonné, il est maigre, trop maquillé, raide, à peine reconnaissable.

Je me suis toujours promis d’aller dans sa ville "presque" natale pour le festival de soul music qui porte son nom, chaque année en Mai. Vu qu’il vient de décéder, cette édition ça risque d’être la folie ! Je me fais des films… Bref, en attendant j’y crois, alors pendant quatre mois, je ronge mon frein puis je prends finalement la route.

En quittant l’état de New York au matin du 3 Mai - jour de la naissance de James - j’écoute en boucle "Georgia on my mind" de Ray Charles. En temps normal ça ne me viendrait pas à l’idée. Mais en regardant le paysage qui défile en approchant de ma destination, je comprends mieux l’atmosphère de ce morceau d’anthologie. La nuit: des stations service désertes ponctuent l’obscurité à intervalles plus ou moins régulier. La journée, c’est tout ou rien, ou plutôt rien ou rien. A savoir: soit des champs où pousse blé, coton, tournesols. Soit des plaines vides à perte de vue, ça ressemble un peu à la Beauce dans le film "Canicule". A l’instar de Lee Marvin dans le film, je ne suis pas à ma place. Je n’ai rien à faire là. Je suis blanc, français, je conduis une Lincoln de location avec des plaques d’immatriculation new-yorkaises, bref, tout ce qu’il ne faut pas. Pourtant le voyage se passe sans encombres. Au risque de vous décevoir, pas de pull over avec le patrouilleur qui me dit de garder les mains sur le volant. Mais plus j’avale les miles, plus je dois me rendre à l’évidence : hormis les poids lourds dont le balais est incessant dans les deux sens, les véhicules sont plus rares dans ma direction. Pour en avoir le cœur net, par moments je compte les bagnoles. C’est flagrant, dans le sens inverse j’assiste à un véritable exode… Il se met à flotter, les essuie-glaces ont beau twister, rien à faire, je peine à discerner la route. Je me mets à l’abri dans un Arby’s et j’attends que ça se calme.

Le 4 Mai 2007, après douze heures de voiture, me voici enfin à Augusta dans l’état de Géorgie. Je crois que tous les suds ne se ressemblent pas. Celui qui s’étale devant mes yeux dépasse tout ce que j’ai vu jusqu’à présent. L’angoisse… En temps normal j’ai déjà la gâchette facile avec l’appareil, mais là je dois prendre encore plus de photos, pour me souvenir à jamais de cette impression post-apocalyptique, pouvoir la montrer, témoigner… Les photos, parlons-en: à l’époque je shoote en permanence avec deux boîtiers, un argentique et un numérique. Certains clichés sont des scans de négatifs, d’où la qualité complètement inégale. Pour l’équipement, en focales fixes, j’ai un 15 fisheye, un 50 pour les portraits et un 100 macro. En zoom, un 17-35 et un 70-200. A part le 50, tout ce beau monde ouvre à 2,8. Ici quasiment personne ne circule à pied, donc si des photos sont floues, ne m’en voulez pas trop, je les ai prises en roulant par souci de discrétion. Le fameux 70-200 pèse 1,3 kg, impossible de tenir fermement le boîtier de la main droite, avec le volant dans la gauche. Je conduis une boite automatique, encore heureux, donc je fais reposer le zoom sur le bord de la fenêtre et puis je mitraille sans regarder dans le viseur, au petit bonheur la chance. La pellicule coûtant cher, quasiment tout ce qui est pris depuis la voiture est en numérique. Pour couronner le tout, le temps change au moins deux fois par heure, soleil, nuages, soleil, nuages, non stop. Comme à Detroit et Philly après la crise des subprimes, des maisons sont à vendre pour… 1 $ ! Et c’est pas encore la crise, imaginez un peu ! En plus, attention au piège, si vous achetez ici, vous devez vivre ici ! Et croyez moi, vivre à Augusta en Mai 2007, faut vraiment avoir envie… Quand je demande si je suis bien dans le centre ville, on me répond par l’affirmative. Mince alors… Les êtres humains se comptent sur les doigts de la main. On a peine à croire qu’un festival aura lieu demain soir.

Je croise un type, la cinquantaine, sympa. "Excusez-moi Monsieur, une guerre a eu lieu pendant la nuit ?" Il rigole. Devant mon désarroi, il entreprend de me faire rire aussi. Il se fout au milieu de la route et en criant, me fait remarquer que personne ici ne klaxonne sauf pour dire bonjour, que niveau sécurité routière, y’a que des avantages. C’est sûr que vu sous cet angle…

Je ne poste qu’une photo sinon ça en ferait trop, mais ici tout s’appelle "James Brown", les boulevards, les rues, les squares, les impasses, les parkings, tout…

Pour ceux qui liront, j’ai aussi sélectionné quelques photos de façades en tous genres : maisons désespérément vides, fenêtres condamnées par des plaques de bois, commerces fermés, ou carrément à l’abandon. C’est bien suffisant pour vous faire une idée, mais gardez à l’esprit que j’aurais pu en prendre des centaines.


Dans mon imaginaire sur le deep south, il y’a le fameux dîner miteux où on mange bien et pour que dalle. Je dégote celui où on devrait trouver le meilleur burger de la ville. Touché, un régal !

Les frites sont délicieuses et il faut reconnaître que pour les steaks ils sont pas radins, facilement vingt centimètres de diamètre ! Pour la déco c’est simple : un poster de Rosa Parks fixé avec deux clous et un cadre de traviole, avec des femmes qui s’échinent à ramasser le coton dans les champs, au temps de l’esclavage. Les deux gars qui tiennent ce business peu juteux -je parle de l’argent, pas des steaks- me disent que la journée va être longue et qu’ils ont bien le temps de fumer une clope dehors avec moi. L’un d’eux prend quand même le téléphone sans fil avec lui, on sait jamais, faut pas déconner, un groupe de japonais pourrait appeler pour une réservation. C’est de l’humour…

Un peu plus loin, l’église, ou plutôt la cathédrale d’Augusta, à en juger par son architecture. Bien évidemment elle est à l’abandon elle aussi… Je me poste sur le trottoir d’en face, pour shooter la perspective flippante d’une avenue que seul le messie peut sauver. Les pompes funèbres sont à deux pas, c’est pratique.

Un garage délabré attire mon attention. D’habitude les bagnoles c’est pas trop mon truc, mais là ça vaut le coup. Une putain de Chevrolet Camaro SS (Super Sport) montée sur des jantes spinners de vingt, peut-être même 21 pouces. Le genre de bolide que seuls les dealers peuvent se payer. A côté, une sorte d’Eldorado à la "Hustle and Flow", délicieusement kitch, avec ses flammes sur les ailes. Enfin, une Pontiac Trans America de 1978, montée sur des pneus extra larges, prête à passer sur le billard. Elle subira un lifting pour la carrosserie, je parie qu’elle en sortira somptueuse aussi. De l’autre côté de la rue, l’échoppe spécialisée en jantes, dans la vitrine y’en a pour une fortune…

Non loin, toujours dans "l’’hyper centre", quelques enseignes sont loufoques, par exemple "Hair big big sale", soit “la grosse grosse solde“ sur les perruques et autres extensions. C’est le supermarché, devant lequel "crack-head Wendy" racole. Une célébrité cette Wendy, elle promet le meilleur blow job de la ville aux mecs qui se garent sans prendre la peine de verrouiller les portières. Je trouve ça un brin prétentieux, mais devant mon air suspicieux, elle précise qu’elle n’a pas de dents et que ça fait toute la différence. Glups.… J’aurais voulu faire la mise au point sur Wendy mais comme tous les crackés, elle tenait pas en place. Au final c’est pas plus mal, je trouve que le cliché avec le focus sur le “Open“ et les posters de la vitrine, est tragiquement drôle.

Quelqu’un a essayé de démonter le panneau lumineux Coca Cola, peut-être pour décorer son salon, visiblement la multinationale ne s’en soucie pas plus que que ça…

Tout ça m’a donné faim, déjà quatre heures depuis le burger, il est grand temps de me faire le crabe à l’ail du fameux "Crab King, les meilleurs pattes de la ville"… Quand je ressors, mon polo sent un mélange de graillon, d’ail et d’iode… Heureusement j’ai raflé un stock de lingettes au citron.

Il y’a aussi les stations de lavage. La première, avec son enseigne "Trop propre Car Care, for the cleanest ride in town". Puis la deuxième : “Clean cars ride good“, le mec promet de passer prendre votre voiture, il affiche même son numéro de beeper. Ça c’est du service ! Sauf qu’il y’a belle lurette que personne n’a fait laver sa voiture ici… Niveau enseigne, je crois que le pompon c’est le Discount Store spécialisé en "H C EN W N G", comprendre "ailes de poulets" où on peut vendre son or. C’est pas la ruée, pourtant du Deep South au Far West, il n’y a qu’un pas…

Franchisés, restaurants indépendants, personne n’est épargné par la pénurie de clients ou devrais-je dire, d’habitants. Pas âme qui vive devant le Subway, c’est à peine mieux devant le Krispy Kreme. Ça tombe bien, c’est l’heure du dessert. Y’a tellement rien à foutre que je bouffe non stop de façon compulsive. Ici au moins, je peux être boulimique sans faire la queue…

Je suis sur l’artère commerçante on dirait, parce que juste à côté se tient le barber shop. Le tenant des lieux a une dégaine de pimp et ne quitte pas la télé des yeux. Son pote qu’on discerne dans le miroir, s’amuse de voir un français, blanc, venant de New York, se promener dans ce désert dépourvu d’oasis… Dans la "waiting area", les trois fauteuils pliants sont couverts de poussière, je me demande bien à quoi l’endroit ressemblait avant l’apocalypse...

Ça pue la misère… La ville n’a pas un rond. La piscine municipale est fermée et pourrait servir de décor à Hitchcock. Le panneau qui rend hommage au Lieutenant Colonel Dyess mort au combat est… peint à la main, fixé à la va vite avec deux vis sur un poteau en bois. En plus quelqu’un s’est amusé à tirer dessus.

Très tôt le soir je retourne dans mon motel, épuisé, et m’endors comme une masse. Mais vers 1h00 du mat c’est l’insomnie, je tourne et retourne dans le lit étroit (chambre twin, matelas à ressorts). Au bout de la coursive, à côté de la réception, le veilleur de nuit fume sa Newport près du bac à glace. Me voyant errer sans but précis, il me conseille de faire un tour au strip club d’à côté pour passer le temps. "It’s Friday homeboy, shit is ‘bout to get hot in there". O.K, why not… Le club s’appelle "Precious", tout un programme… L’intérieur est bien pourave, mais charmant au demeurant, malgré la misère sexuelle, malgré le chômage, malgré tout… Y’a même un buffet avec des bacs en inox sur brûleurs. Poulet à l’ananas, pork ribs sauce barbecue, macaroni & cheese, cabbage, collard greens, corn bread, rice & beans, coleslaw etc A New York on vannerait sur n’importe quel mec qui mangerait dans un strip club, ici c’est l’usage. Et gratuit, c’est écrit en gros : "help yourself". Y’a pas de DJ, mais de gros speakers montés sur des barres en alu perforé, qui crachent des mixtapes sur CDs. A ma grande surprise, pas trop de rap d’Atlanta, pourtant toute proche. Plutôt du crunk, du Miami Bass, et surtout du deep south texan, genre UGK... Ici, les clients sont tous des habitués, ils ne papillonnent pas de stripeuse en stripeuse, on dirait que chacun est amoureux de sa chacune. Comme des amants qui se retrouvent un ou deux soirs par semaine. Tout le monde s’appelle par son prénom. Les filles parlent aux clients comme si ils étaient parents. J’entends des trucs bizarres genre “how’s your grandma ? Tell her I said hi“ ou encore "wassup with your uncle, he was supposed to fix my curtains !" Au lieu d’essayer de se démarquer, toutes les filles portent exactement les mêmes talons transparents, qui scintillent sous les néons bleutés. Autre particularité : elles n’ont pas de noms de scène, je crois me souvenir que l’une d’elles s’appelait Claudine. Peu commun au pays des Lexus, Diamond et autres Keysha… Je jette mon dévolu sur une shorty fraichement débarquée de Virginie. Esseulée, l’air sage, couverte de tatouages, toute ronde du bas, avec de grands yeux en amandes cachés par une grosse frange. Quand elle entend le beat de "Real nigga shit" (Geto Boys) elle devient endiablée et se met à ramper vers moi comme une panthère, j’en profite pour la shooter en scred. Pour ceux que ça intéresse, une des photos est quelque part sur mon journal Facebook. Le lendemain, Samedi 5, ça s’agite un peu. Le journal local, le biennommé "Augusta Chronicle" a en effet confirmé que le concert aurait bien lieu. Je croise dix êtres humains, une mini effervescence en quelque sorte… Ce satané crabe hier était trop bon, fuck it, j’y retourne… Merde, il est pas encore ouvert. J’ai le temps de regarder un drôle de manège : des gens qui essaient de se faire un peu de thunes avec du merchandising à l’effigie de James Brown. Avec plus ou moins de professionnalisme, chacun déballe son matos : tréteaux, planches, bâches pour la pluie, badges, tote bags, piles de Tees en XXL, XXXL, XXXXL etc

Une brave femme arrive en pick-up, se gare, et s’affaire illico presto sans me quitter des yeux. S’en suit une scène improbable, digne de Boulgakov :

- Hey handsome, want some kicks ?

Oh, vous savez, moi… les sneakers… j’ai arrêté depuis longtemps…

- Allez quoi, help me make a dollar…

Vous avez pas ce que j’aime.

- Oh yeah ? And what would you like ?

J’aime pas les trucs de maintenant, j’aime que les Air Force One blanches et les Jordan 88 ou 89, c’est tout.

- Quelle taille ?

Ten and a half

- Ben alors tu vas être content, je ne vends QUE des Air Force One blanches et QUE des Jordan. Comme une magicienne, la meuf attrape la première boîte devant elle et me la tend… J’ouvre sans grande conviction et soulève le papier blanc. Stupeur ! Les 89, en 10 ½, noires. Je suis scié.… Il m’arrive de ces trucs… Elle se marre devant mon air interloqué. - Now what handsome ? You got some to say ?

Pas mal honey, j’avoue, bien joué. How much ?

- Mmmmm… for you… a hundred…

Eighty, my last word.

- Aiiiggghhhht, deal !

Je repars tout joyeux, comme un gamin. Sur Grand Concourse dans le Bronx, à l’angle de Broadway et 145 à Harlem, sur Fulton à Brooklyn, je les ai jamais trouvées, pas avec le Nike derrière… Un mec se gare en pick-up lui aussi, et s’approche par l’odeur du billet vert alléché. Comme je suis gentil il peut me vendre un chiot husky si ça m’intéresse. La cage est à 500 yards de là, derrière un mur décrépi. Grosse chaleur étouffante. A l’abri des regards sous une couverture, les chiots n’ont rien à bouffer, juste une gamelle d’eau croupie. J’ai envie de tous les prendre quand ils me font les yeux doux, mais comme je suis un gros lâche égoïste et sans couilles, je n’en fais rien. Pfff, quel blues, bordel quel blues…

Je continue mon périple photo hors des grandes artères désertes, ce coup-ci je suis à pied. Sur un perron, une gamine en obésité trompe l’ennui en regardant ses orteils. Elle vient de se faire les ongles, ce soir elle veut être belle pour le concert. Sa voisine se demande bien pourquoi je les prends en photo. Je ne sais pas non plus… Un peu plus loin, un gamin veut aussi son instant de gloire. Il prend la B-boy stance devant la porte de son garage fraîchement repeinte.

Cinq blocks plus loin, une mamie jure sur ses grands Dieux avoir connu James Brown quand il était gamin. Elle confirme la légende : petit, il cirait des chaussures pour survivre… Elle me propose un verre de limonade maison. Sa baraque ressemble à celle –en bois-des trois petits cochons. De plain pied, une pièce unique, pas de fenêtre. Il fait tellement sombre que je dois utiliser le flash. Au sol, une moquette en plastique imitation gazon, posée à même la terre battue ! Je vous rappelle que nous sommes aux States en 2007, soit disant la première puissance mondiale. Pffff, tu parles… J’ai pas l’air con avec ma boîte de Jordan neuves. Avec les 80 $ qu’elles ont coûté, la mamie pourrait manger pendant un mois. On papote de tout et de rien. Quand je lui fais remarquer que les rues sont vides à quelques heures du concert, elle s’esclaffe "ça fait longtemps que tout le monde est parti d’Augusta". Puis elle se reprend, et plus sérieusement, me donne l’explication : tous les avoirs de James sont bloqués, une bataille juridique fait rage depuis des mois autour de son héritage. Zéro subventions, la ville est à sec. Du coup, l’association en charge du festival n’a pas obtenu d’enveloppe. D’ailleurs elle n’a rien obtenu du tout. Ce soir, les musiciens, les techniciens, le service de sécurité, seront en fait tous des volontaires. Peu de communication autour de l’événement, donc Augusta ou pas Augusta, le grand festival édition 2007 sera en fait un tout petit concert, juste pour marquer le coup… Je propose de payer pour la limonade bien fraîche, ce sera un non catégorique. Après un hug pour me remercier de ce moment passé en sa compagnie, elle me fait promettre d’aller prendre son église baptiste en photo. Yes mam, will do…

Le jour tombe, le concert a lieu bientôt. Des gens débarquent par petits groupes vers le James Brown Plazza, tous en voiture, je suis quasiment le seul à marcher. Je me rends compte qu’à part un chauffeur de poids lourd la veille, c’est la première fois que je vois des blancs depuis mon arrivée à Augusta.

L’ambiance est bon enfant, la Bud et la Coors Light sont à 3 $, servies dans des gobelets en plastique rigide. Je sais plus où est le mien, j’aurais bien pris une photo pour vous le montrer, mais j’ai dû le paumer dans un déménagement. Dessus y’avait écrit "The Godfather will live forever, just like soul music". Bref… Peu de flics, la “petite“ foule est tranquille, pas d’embrouilles. D’ailleurs, même les keufs ont laissé leurs véhicules garés à proximité et sont allés profiter du concert.

De vaillants musiciens descendent de trois bus rutilants dans leurs beaux uniformes de fanfare. Leurs cuivres brillent dans la nuit, ils investissent la scène. Quand ils jouent "The big payback" je me sens un peu merdeux. Clins d’œil de mes congénères noirs qui tiennent à me rassurer, non, ce soir on ne me lynchera pas. Le show dure deux bonnes heures, et je dois avouer que niveau son, aucun orchestre –trois au total- n’a à rougir. J’ai même droit à 45 minutes d’afro-beat à la Fela Kuti. Drôle d’impression, la Beauce sur la route, Lagos en Géorgie… La planète me paraît tout à coup minuscule, pouvoir de la musique.

Demain matin je prendrai la route du retour. Je devrais être content du trip et des photos, mais je suis triste, sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce qu’à part le mec qui vendait les clebs, tout le monde m’a plu, tout le monde m’a ému, tout le monde m’a accueilli les bras ouverts. Je ne suis pas trop branché selfie, mais quand à la fin de la soirée quelqu’un propose de me prendre en photo avec la statue de Mister Dynamite, ben j’hésite pas une seconde. Je l’embrasse avec mon Black & Mild à la main. Il me sourit, et tout d’un coup je me sens mieux. Soul brother number one… Avec mon sourire figé, je rentre à pied au motel, de toutes les façons je suis trop pété pour conduire.

Le lendemain, sur la route, je ne prends que deux photos : la station service où j’ai fait un plein, et une voie ferrée parallèle à la route, à environ cent mètres en aval.

Dans les années quarante, ton train a circulé sur cette voie unique, pour fuir cet enfer. Bye James.


Crédit Photo : François Bonura

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