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Interview: Petite Poupée 7 I Art de rue et militantisme sensoriel.

Dernière mise à jour : 13 janv. 2018

Sur les murs de Rio de Janeiro et São Paulo la sensualité et l'imagerie poétique de la peintre et Street Artiste engagée projet LFL*, Petite Poupée 7 nous plongent dans les replis d'une intimité féministe absolue, presque métaphysique pour une réappropriation de soi...


Sans filet et langue de bois, elle répond librement à toutes nos question !


Petite poupée 7 pour alharache ça se passe ici !

contact PP7



Que signifie PP7 ?

Mes ami(e)s au Brésil m’ont appelé de Bonequinha "Petite Poupée" et pour signer mes dessins de mode, j’ai commencé à signer Petite Poupée 7 (my lucky number) en Français. Maintenant, en France, j’essaie d’utiliser juste PP7, c’est comme une « blague » auprès des femmes. J'aime aussi poupée en ligne ; la société nous manipule, donc, je trouve ça intéressant ! A l'heure actuelle, on doit être et rester des jeunes filles pour toute la vie, ce que (presque) toutes essaient de faire. On n'a plus le droit de vieillir, ou alors on doit masquer ça ! Une régression dans le style et le comportement que le regard des autres et la société impose. Ressembler à de jeunes gamines de 16 ans avec des baskets, à des mannequins! Je ne sais plus . C'est ironique de ma part bien entendu, mais le paraître déforme vraiment tout.

Mes ami(e)s au Brésil m’ont appelé de Bonequinha (Petite Poupée) et pour signer mes dessins de mode, j’ai commencé à signer Petite Poupée 7 (my lucky number) en Français.


Tu es née au Brésil à Rio de Janeiro ? Quelles sont les images fortes qui ont marqué ton enfance ? Oui, je suis née à Rio, et mon enfance est parsemée de traumatismes liés à des formes de harcèlements assez violents. J’ai vécu des harcèlements dès mes 8 ans. J’ai grandi avec la peur des hommes. J’ai été abusée sexuellement à 4 ans par une nounou, entre 8 et 10 ans par des parents de mes copines. J’ai été violée pour avoir dit « NON ! » par un collègue, et j’ai été une femme battue. Tout ça c’est encore très présent. J'ai toujours beaucoup de mal à faire confiance aux hommes! Ma beauté, ça a été un très grand tabou pour moi. J'ai eu du mal à l’accepter, mais aujourd’hui, j'assume la femme que je suis devenue et je ne changerais rien.


...je suis née à Rio, et mon enfance est parsemée de traumatismes liés à des formes de harcèlements assez violents.

Quelles sont tes influences ?

Nina Simone a une force incroyable; mes peintures sont toujours inspirées par des femmes fortes : ma grand-mère, ma mère, mes amies...

Tu es autodidacte ou tu as fait une École d'Arts appliqués ?

Je suis artiste autodidacte, mais, actuellement, j’ai repris mes études et je suis étudiante en Art Plastique. J’ai envie de développer un travail dans la décoration intérieure et c’est mieux si j’ai un diplôme français.

Je suis artiste autodidacte, mais, actuellement, j’ai repris mes études et je suis étudiante en Art Plastique.

En se baladant dans les rues de Sao Paulo et de Rio de Janeiro on peut voir tes fresques un peu partout ? Qu'est-ce qui t'as précisément emmené au Street Art ?

Normalement, oui ! Si personne n’a pris ma place (rire). La rue était un moyen d'évacuer, un sentiment d'amour que j'avais pour un petit ami français avec qui je venais de rompre. Alors, j'ai utilisé la rue pour laisser mes sentiments « écrits » en français sur les murs. Au début je n'ai écrit que des versets, puis j'ai développé une poupée avec un cœur pulsant, puis elle est devenue un personnage. Ici, en France, j'ai découvert que mes dessins de femmes provoquaient une sorte de grossophobie assez générale chez les gens! Mes femmes ont une dysmorphie étudiée et sciemment tournée vers le "ridicule" de notre société. Je travaille cette politique du nu "dérision" et érotique et j'adore provoquer et encourager les gens à penser et peut-être au fond les pousser à s'assumer davantage. Au fil du temps, mes femmes sont devenues plus rondes, plus sexy et plus rebelles. Je commence à peindre des femmes avec des pénis (différence de genre et de sexe). Mes « femmes » sont devenues ma cible d'une nouvelle politique de provocation. Elles provoquent et je m'en amuse.




...j'ai utilisé la rue pour laisser mes sentiments « écrits » en français sur les murs. Au début je n'ai écrit que des versets, puis j'ai développé une poupée avec un cœur pulsant, puis elle est devenue un personnage.

Le Brésil est un immense pays avec des dénivellations énormes notamment entre riches et pauvres, également des révolutions permanentes. Est-il encore proche de la description qu'en fait Hector Babenco dans son œuvre ?

Il est mort le jour de mon anniversaire, l’unique film que j’ai regardé de lui, c’était Carandiru et ça ne fait pas longtemps. J’étais trop petite pour certains de ses films. Mais, c’est plus ou moins cette réalité qu’on cache derrière le rideau. Mais plus maintenant, après le coup d’état !

Depuis plus de 30 ans, le Vandal, et plus récemment l'Art de rue envahissent les grandes

villes de Beyrouth en passant par Cotonou. Au Brésil le Street Art explose. Fais-tu partie de cette mouvance ?

Après la naissance de mon fils, j’ai fait une petite pause. Mais bien sûr que si ! J’étais déjà en prison à São Paulo en train de faire une peinture interdite. La rue, ce n’est pas pour tout le monde, il faut être un(e) gangsta !

Mais bien sûr que si ! J’étais déjà en prison à São Paulo en train de faire une peinture interdite. La rue, ce n’est pas pour tout le monde, il faut être un(e) gangsta !

D’où t'es venue l'idée de quitter ton pays pour t'installer en France, alors que tu jouissais d'une certaine notoriété chez toi ?

Oh là , c’est un truc de fou, n’est-ce pas ! L’amour m’a amené en France encore une fois. Je venais d’être maman dans des conditions pas évidentes du tout (je passe sur les détails) et ma sœur habitait dans le sud de la France. Rester en France n'a pas été une évidence. Ça a même été assez cauchemardesque avec le décès de ma sœur par la suite. Mais j'étais maman, alors j'ai lutté et ma volonté à fait le reste ; aujourd’hui, après beaucoup de grands bouleversements, j'ai accepté de vivre là, et je me sens bien, pour l'instant.

Pourquoi Rennes ?

Pour le moment, je suis à Rennes, car Paris est trop cher comme à Rio, et quand on devient maman, on pense normalement au bien-être de nos enfants. Je vis de mon Art, sans aide aucune de l’état français ! Alors oui, rennes c'est un bon compromis.

Tu es peintre et Street Artiste. Ton travail est axé sur une représentation exacerbée pleinement assumée de la figure du domaine d'Oduduwa, brut, mais en bas résille ! Quel est le fil rouge qui t'a emmené à esquisser ces portraits très singuliers de femmes ?

Tu trouves que mon travail à avoir avec la figure du domaine d’Oduduwa ? (rire) Même si je suis fille de Oxum et Xangô, je ne vois pas le rapport ! Mais le fil rouge qui m’a emmené à peindre des femmes, c’est ma vie d’origine. J’ai grandi entre femmes féministes, ma mère et mes trois sœurs et pendant un bon moment de ma vie, j'ai été élevée par ma grand-mère, une femme incroyable d’ailleurs. J’adore les femmes, même si ici je trouve les rapports entre femmes plus compliqués, le corps des femmes, même avec nos imperfections. Après pour les attitudes, je cherche toujours à m’inspirer de femmes qui ont de sacrés caractères !


...je suis fille de Oxum et Xangô...

J’ai grandi entre femmes féministes, ma mère et mes trois sœurs et pendant un bon moment de ma vie, j'ai été élevée par ma grand-mère, une femme incroyable d’ailleurs.


Selon toi, dans la peinture, le Street Art, le Graffiti, les femmes sont-elles à égalité

avec les hommes ?

Malheureusement, NON ! Il y a un gros problème général dans notre société, on doit travailler beaucoup encore ! Le graffiti est trop macho, et nous autres les femmes ont grandi dans cette culture de la compétition. On n’est pas obligée d’avoir le même point de vue sur tout, mais on a besoin d’être dans la sororité. Je suis une féministe traditionnelle, j’ai envie qu’on soit tou-t-e-s dans l’égalité, de sexe, de race, de classe social. Je suis pour TOUT-E-S!

Doit-on parfois se masculiniser pour acquérir une forme de respect et de reconnaissance dans ce milieu ?

(rire) Je ne pense pas ! moi, je serai un-e travesti, alors, je ne m’imagine pas faire la macho-girl, malheureusement, je vois beaucoup des machos-girlies par tout ! Je n’ai pas besoin des couilles pour dire ce que je pense et pour faire ce que j’aime ! Je suis fière d’avoir des ovaires !

Tu as créé une association qui donne la parole aux femme artistes ? Peux-tu nous en parler ?

Oui, j’ai été vraiment perdue et perturbée à mon arrivée et installation en France. Mon make-up, ma façon de parler et rire, mon caractère, mes peintures ; je suis arrivée avec ma culture et un niveau de français assez approximatif, du coup j'ai ressenti un décalage identitaire très fort, notamment avec les femmes d'ici. J'ai essuyé beaucoup de jalousie. J’ai perdu toute ma liberté d'être pour m'adapter rapidement ! Dans le milieu artistique c'est encore plus difficile. Les gens à Rennes sont enfermés dans leur crew et c’est difficile d'y entrer. C’était trop macho pour moi, des trucs entre potes, soit dans des expos, soit dans le graffiti, et je ne voyais pas trop de femmes. Moi, j'étais dans ma simplicité, je connais bien l’Art, j’ai déjà fait des trucs avec Gary Basemann, j’étais déjà dans des projets avec Stephan Doitschinoff, Tristan Eaton, David Flores, dans des galeries à Hollywood avec Titi Freak, entre d’autres projets incroyables. Rennes c’est un petit village et les artistes s'y sentent comme des super STARS… c'est leur droit !

Les Femmes Libres, LFL*, c’est donc pour montrer à notre société qu’il existe des femmes artistes, qu'elles ont le talent, la force, qu'elles en ont aussi marre d’avoir et aussi de voir leurs œuvres seulement à la maison; j’ai vraiment envie de faire un travail pour valoriser la FEMME ARTISTE, comme ne pas laisser vendre ses œuvres comme des bonbons sur un marché de Nöel. Tu vois ? Il y a des gens qui sont désespérés pour l’argent et ils oublient la démarche originelle, les fondements de l'Art et surtout sa valeur. Le projet c'est aussi pour travailler le dialogue entre femmes INTERNACIONAL. Le mélange culturel va nous donner plus de force ! On a envie de voyager, échanger et développer mieux nos travaux, plus de visibilité également. Tout le monde « rêve » de vivre de sa passion. LFL c'est pour l’empowerment des femmes et la sororité ! On a déjà de projets pour aller à Rio en 2018, par exemple.

...le milieu artistique c'est encore plus difficile. Les gens à Rennes sont enfermés dans leur crew et c’est difficile d'y entrer. C’était trop macho pour moi, des trucs entre potes, soit dans des expos, soit dans le graffiti, et je ne voyais pas trop de femmes...

... je connais bien l’Art, j’ai déjà fait des trucs avec Gary Basemann, j’étais déjà dans des projets avec Stephan Doitschinoff, Tristan Eaton, David Flores, dans des galeries à Hollywood avec Titi Freak, entre d’autres projets incroyables.

Le concept de « business mother » a alimenté les chroniques de magazines féminins pendant une bonne décennie. Dans la vraie vie, est-ce aussi facile de s'occuper à plein temps de ses enfants et concomitamment de réussir sa vie professionnelle ?

Pour moi personnellement, j’ai trouvé très difficile d’avoir mon fils toute seule ici, sans ma famille et sans mes ami(e)s, l'entraide est partout chez-moi (Rio)! Au quotidien, je suis une maman à 100%. Je dois donc conjuguer ma vie de maman et mon Art. Beaucoup de pirouettes et de grosses fatigues, mais c'est génial que mon petit participe à tout cela. J'aurais besoin de plus de latitude et d’indépendance par la suite, voir très bientôt pour développer LFL et d'autres projets toujours plus ambitieux. En attendant, je travaille et je le vois grandir, je sais que ça passe si vite !

Pour moi personnellement, j’ai trouvé très difficile d’avoir mon fils toute seule ici, sans ma famille et sans mes ami(e)s, l'entraide est partout chez-moi (Rio)!

Actuellement as-tu 1 ou des projets (solo ou collectifs) en cours ?

J’ai deux projets, un dans la décoration Intérieure solo et développer LFL .

Tu écoutes de la musique en travaillant ? Si oui ? T’écoutes quoi en ce moment ?

J’ai besoin de la musique pour tout ! La maison est triste sans entendre de la musique. Ma journée est beaucoup plus ensoleillée, je pense ! Au Brésil, j’ai écouté beaucoup de musique classique pour faire de la peinture. Et ici pareil, mais la chanson que je ne me sors pas de ma tête c’est

« Pause » de IAMDDB, cette chanson raconte un peu de moi actuellement, j’adore !

I do not trust anything, not even my own sight They don't want you, they want you to fall But I'm not falling, I'm rising above them all ...


Ton livre de chevet ?

Je suis en train de lire tellement de livres en ce moment, je vais devenir folle ! Mais je vais te donner un : « Pour un féminisme de la totalité »,volume coordonné par Félix Boggio Éwanjé-Epée, Stella Magliani-Belkacem, Morgane Merteuil et Frédéric Monferrand. Il raconte un peu tout ce dont on vient de parler : « ce qui transforme la famille, la sexualité, l’organisation de la production sociale et biologique, le travail domestique ou encore le travail affectif implique-t-il de révolutionner la vie quotidienne, la santé, la culture, le travail salarié, le logement, la vie collective, les allocations sociales»

Le film ou le doc que tu as vu dernièrement ? Je suis addict au cinéma depuis toute petite. Mais en 2015, j’ai été bluffée pour « The Danish Girl». Quel beau travail ! De la direction d'acteurs jusqu’à la photographie. Vraiment… chapeau bas !



Ta philosophie de vie ?

Sourire, quand je suis avec mon ami brésilien et mes copines vénézuéliennes et africaines, on rigole trop, ça fait du bien pour la peau, pour notre santé ; on n’a pas le temps de parler et ni de critiquer les gens, aimer et faire l’amour, se respecter et respecter l'autre, chanter … savoir vivre quoi ! « La liberté est très peu pour moi. Ce que je désire n'a toujours pas de nom. »

(Clarice Lispector)

-------------------- LFL* Les Femmes Libres https://www.facebook.com/lesfemmeslibres/?pnref=lhc

-------------------- https://www.flickr.com/people/petitepoupee7/

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